La querelle qui s’est emparé du monde de l’art depuis ces derniers années, animée par des philosophes, critiques, galeristes, commissaires d’expositions et d’autres assesseurs de l’art actuel, m’invite à m’interroger sur la place qui m’est alloué en tant qu’artiste peintre dans ce débat aussi houleux que confus.  
L’art ne se détermine que grâce à l’ensemble des pratiques et les conventions en vigueur au moment de sa création. Sans doute en a-t-il été ainsi de tout temps. Depuis le XVIII siècle tout discours philosophique dans le domaine de l’art trouvait racine dans la théorie esthétique de Kant mais au XX siècle, à l’époque postmoderne, arrive les nouveaux paradigmes d’appréciation qui bouscule la réflexion esthétique traditionnelle. L’artiste est désormais libre d’expérimenter des formes diverses de l’expression artistique, non limitée aux seuls beaux-arts. Le débat est lancé. Les rétracteurs – les défenseurs des théories esthétiques et spéculatives - accusent les nouveaux gestionnaires de l’art qui détiennent eux la complaisance des critiques, des galeries en vogue et les institutions publics ; d’être une élite institutionnelle qui décrète "d’en haut" de la qualité ou de la médiocrité d’une œuvre et de cautionner le n’import quoi dans une système de marchandisation de la sphère culturelle. Par contre les partisans d’un art désormais libéré des contraints esthétiques n’hésitent pas d’accuser leurs adversaires de défendre les théories obsolètes qui auraient contribué à une pernicieuse sacralisation de l’art. Cette nouvelle approche favorise un art désacralisé, étroitement lié aux transformations économiques et politiques ; au développement des technologies nouvelles et à celui des médias. Autrement dit un art décomplexé, définitivement débarrassé de l’encombrante tradition de la métaphysique du beau.
Il faut donc trouver des nouveaux paramètres d’évaluation. C’est là que ça coince. Des nombreuses théories se succèdent sans que aucune parvient à un consensus. Les transgressions étant de mise, tout système d’évaluation est mise à l’épreuve par les artistes qui réinventent indéfiniment les conditions de leur propre liberté.
Voilà pour le contexte. Comme artiste qui travail sur toile avec des moyens plus ou moins traditionnels, ça va de soit que je me trouve casé d’office parmi les artistes "ringards," opposés à tout nouvelle interprétation de l’art. C’est triste de constater que les antagonistes, à défaut d’arguments consensuels, se figent derrière leurs convictions respectives et que le débat s’enlise désormais dans le mépris et l’échange d’insultes. Même si je ne suis pas dans le wagon des artistes plébiscités par les assesseurs de l’art actuel, ce n’est pas pour cela que j’ai resté sur le quai. L’histoire de l’art est fait d’action et de réaction. De nombreux mouvements artistiques se sont formés en opposition à des manifestations dominant du moment et ils n’allaient pas toujours droit devant ; il y avaient des allers et retours – les Nouveaux Fauves, les Trans-Avant-Gardes, la Nouvelle Figuration pour nommer que quelques-uns qui se sont réagit en revisitant des valeurs historiques tout en apportant un nouveaux regard sur l’art de leurs époques respectives.
La rupture entre l’art actuel et la tradition de l’esthétique occidentale ne peut qu’être déterminante dans tout évolution future de l’histoire de l’art mais est-il pour autant irréversible ? Un art qui désormais invente lui-même ses propres critères d’évaluation et qui n’aurait d’autre projet que celui induit par le libéralisme marchand n’est-il pas destiner à être absorber à un tel point par le divertissement culturelle, la mode et les diverses aspects de la communication qu’il n’en restera qu’un art remplacé par son ersatz ? La substitution de l’art par la culture et par la communication annonce la mort de l’art mais une mort par substitution puisqu’il ne s’agit plus de l’art en soi mais de son simulacre.
L’art actuel, malgré l’intérêt que je lui porte dans beaucoup de ses aspects, me laisse quelque peu perplexe vis à vis son éligibilité d’appartenir à l’idée que je fait de l’art, c’est a dire, une domaine privilégié, pour ne pas dire sacrée,
C’est dans cette vision des choses que j’anticipe, non pas un retour en arrière, mais plutôt une évolution envers la réinitialisation de l’art avec les principes universels de la création non limitée aux seules valeurs occidentales.
L’impérialisme post coloniale continue d’affirmer son hégémonie sur le monde international, imposant ses modèles, ses tendances et ses styles, se servant copieusement de touts les richesses du tiers monde - y compris leurs cultures - pour les revendre transformé, révisées selon les paramètres du consortium néo-colonialiste. En conséquence les artistes qui aspirent d’être attribué le label d’artiste contemporain sont contraints de se conformer à l'idéologie dominante occidentale ou se prolifère l’arrogance, un manque d’engagement et un asservissement au marché.
Plutôt que de regarder vers Wall Street ne serait-il plus juste de faire un tour au prés de certaines cultures du tiers monde, là ou l'art s'impose toujours dans la communion entre l'homme et ses dieux; entre l'homme et la nature? C’est dans une approche humble et révérencielle devant l’immensité du l’univers et la miracle de la vie que l’artiste se connecte à l’essence même de l’art ? C'est triste à constater qu'une telle attitude, celle de prêter à l'art un rôle fondamentale dans les relations entre l'homme et l'univers, est proclamé obsolète, ne méritant pas considération. Qu’on le stigmatise de primitive, sacré ou naïve démontre à quel point on s’est éloigné de l’essentiel.
Je ne prétends pas que ceci est la seule façon d'approcher les arts. Je défends seulement sa légitimité d'appartenir à la scène artistique d'aujourd'hui.

Ashley 2007
(Pour ceux qui s'intéressent à ce sujet je recommande le livre de Marc Jimenez “La Querelle de l’Art Contemporain,” chez Gallimard).




             

 


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